Le goitre thyroïdien au cabinet du médecin de premier recours
Auteur:
Dr méd. Jaafar Jaafar
Service de l’Endocrinologie, Diabétologie
Médecine Interne Générale
Cliniques des Grangettes
Genève
E-mail: jaafar.jaafar@grangrettes.ch
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Les maladies thyroïdiennes représentent un motif fréquent de consultation médicale au cabinet du médecin de premier secours. Le goitre thyroïdien peut être la présentation clinique clé qui mène à un large éventail de diagnostics différentiels et qui requière des investigations ciblées et des thérapies adaptées aux diagnostics retenus. Dans cet article, nous allons discuter la démarche diagnostique et thérapeutique devant un goitre thyroïdien.
Keypoints
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Le goitre thyroïdien peut être la présentation clinique de plusieurs maladies thyroïdiennes ou non thyroïdiennes sous-jacentes.
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Les causes les plus fréquentes d’un goitre thyroïdien sont la carence en iode, les maladies thyroïdiennes auto-immunes et les goitres multinodulaires toxique et de manière moins fréquente les tumeurs thyroïdiennes.
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Devant un goitre thyroïdien, la démarche diagnostique comprend une évaluation biologique de la fonction thyroïdienne suivie par une évaluation morphologique (essentiellement par échographie) et dans certains cas, par une imagerie fonctionnelle.
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Le traitement du goitre thyroïdien est orienté selon la cause. L’iode radioactif et la chirurgie étant deux choix thérapeutiques bien établis, des nouvelles thérapies (lorsque la nature bénigne des nodules est prouvée) peut être utilisées comme le traitement par Laser ou par HIFU.
Faits et chiffres
Le goitre thyroïdien est une augmentation volumique de la thyroïde avec ou sans nodule. Il est souvent euthyroïdien mais peut s’accompagner soit d’hypothyroïdie lorsque la cause de goitre est la carence en iode ou une maladie de Hashimoto, soit d’hyperthyroïdie comme c’est le cas du goitre homogène de la maladie de Basedow ou du goitre mononodulaire ou multinodulaire toxique (autonome). Le volume normal de la thyroïde est de l’ordre de 10 à 15ml pour les femmes et de 12 à 18ml pour les hommes.1
La prévalence du goitre thyroïdien dépend de l’état de réplétion en iode car la carence en iode est la cause la plus importante du goitre dans le monde.2 Presque un tiers de la population mondiale vit dans des régions carencées en iode.3 On estime que les goitres affectent jusqu’à 200 millions des 800 millions de personnes dont le régime alimentaire est déficient en iode. Dans une ancienne étude transversale conduite au Royaume-Uni, 16% de la population avait un goitre, avec un ratio homme/femme de 1:4 et la plus grande prévalence trouvée chez les femmes pré-ménopausiques.4 Dans une autre étude très ancienne et souvent citée, plus de 5000 personnes de plus de 60 ans ont été dépistées pour un goitre thyroïdien et suivies durant 15 ans à Framingham, les nodules cliniquement détectables étaient présents dans 6,4% des femmes et 1,5% des hommes, un nodule solitaire était présent chez 3% de la population de l’étude et le goitre multinodulaire (GMN) chez 1%.5 Cependant, la prévalence est différente entre les études basées sur l’examen clinique et celles basées sur l’échographie. Par exemple, en Allemagne, dans une région avec une carence relative en iode 33% de 96278 adultes âgés de 18 à 65 ans examinés par échographie présentaient au moins un nodule thyroïdien et 12% d’entre eux avaient un nodule thyroïdien de >1cm. Parmi les personnes ayant un nodule unique à la palpation d’autres nodules ont été identifiés lors de l’échographie chez jusqu’à 48% de ce groupe.6 Des études sur autopsie ont montré une prévalence encore plus élevée de nodules thyroïdiens jusqu’à 50% des corps étudiés.7
Iode et goitre thyroïdien
En Suisse, depuis le début des années 1920, la confédération enrichit le sel en iode, ce qui a permis une nette régression de la prévalence du goitre. Lors de la dernière étude épidémiologique nationale suisse concernant le goitre, en date de 1999, 600 enfants âgés de 6 à 12 ans ont été dépistés; la prévalence du goitre était de 3,9% (inférieure au seuil de 5% à partir duquel l’OMS considère que le goitre constitue un problème de santé publique). Les besoins en iode sont détaillés dans le Tableau 1 tiré du dernier rapport de l’OMS.8
Tab. 1: Apport quotidien en iode selon les recommandations de l’OMS8
La carence en iode est nocive à tous les âges, à savoir qu’en plus du risque général de goitre, d’hypothyroïdie et de l’augmentation de la sensibilité aux irradiations nucléaires, il y a une augmentation de taux d’avortement spontané et de mort in utéro, d’anomalies congénitales et de mortinatalité. Chez les nouveau-nés une augmentation de risque de mortalité, de crétinisme (déficience mentale avec un mélange de mutisme, de diplégie spastique, de strabisme, d’hypothyroïdie et de petite taille). Chez les enfants et les adolescents, la carence en iode est responsable d’altération de la fonction mentale, de retard de développement physique et d’hypothyroïdie. Enfin, chez l’adulte l’hypothyroïdie et l’altération de la fonction mentale sont les manifestations les plus fréquentes.8
Diagnostic différentiel du goitre thyroïdien
Le goitre thyroïdien (nodulaire ou non) peut être la manifestation clinique de plusieurs pathologies thyroïdiennes ou non-thyroïdiennes. Dans le Tableau 2, une liste de pathologies pouvant être à l’origine du goitre thyroïdien est dressée.
Tab. 2: Causes principales de goitre9
Aliments goitrogènes
Il existe quelques aliments qui sont incriminés dans le développement de goitre thyroïdien, mais il s’agit ici d’une consommation régulière et d’une grande quantité à long terme pour provoquer un goitre thyroïdien. Dans le Tableau 3, les aliments goitrogènes sont listés avec l’agent incriminé pour chaque groupe et le mécanisme de développement de goitre dans chaque cas.10
Tab. 3: Aliments goitrogènes10
Manifestations cliniques du goitre thyroïdien
Un goitre thyroïdien n’est pas toujours symptomatique mais lorsqu’il l’est, les symptômes peuvent être liés soit à la fonction thyroïdienne (hypo- ou hyperthyroïdie), soit à la compression ou invasion de la thyroïde des structure avoisinantes. Les signes et symptômes du goitre thyroïdien sont listés dans le Tableau 4.9
Tab. 4: Présentation clinique du goitre thyroïdien9
Quelle démarche diagnostique devant un goitre thyroïdien?
L’examen clinique commence par une inspection qui se fait lorsque le patient est en légère extension de la tête alors que l’examinateur est en face du patient. L’inspection permet de rechercher un goitre, un nodule ou une asymétrie visible. La palpation du cou se fait soit par les deux pouces lorsque l’examinateur est en face du patient, soit, lorsque l’examinateur est derrière le patient, par les doigts 2, 3 et 4 positionnés de part et d’autre de la trachée du patient. La palpation permet d’évaluer le volume et d’apprécier la topographie d’une hypertrophie (diffuse ou localisée); et de déterminer l’homogénéité (zones hyperplasiques, nodules, ou association des deux éléments) et la consistance (ferme, dure, molle, rénitente), de détecter la présence de ganglions cervicaux agrandis et d’évaluer la sensibilité ainsi que la mobilité par rapport à la peau et aux muscles; la mobilité de la glande thyroïdienne est évaluée par la déglutition d’une gorgée d’eau. Il est possible de sentir un frémissement («thrill») à la palpation d’un goitre homogène lors de la maladie de basedow; l’auscultation dans ce cas précis permettrait d’entendre un souffle systolique au parenchyme thyroïdien. Devant un goitre thyroïdien, il convient d’abord d’exclure les signes de gravité comme la présence d’un nodule dur, irrégulier, peu mobile ou la présence supplémentaire de ganglions lymphatiques cervicaux agrandis, ou l’association d’un goitre (ou nodule) avec une dysphagie ou une voix rauque. L’âge de moins de 16 ou de plus de 60 ans est le sexe masculin sont associés à un risque plus élevé de cancer de la thyroïde en cas de goitre ou nodule,11,12 de même pour les antécédents d’irradiation du cou durant l’enfance ou l’adolescence. La présence d’un de ces points doit hâter la référence du patient au spécialiste. Enfin, la présence de stridor est une urgence médicale.
Biologiquement, la fonction thyroïdienne s’évalue par un simple dosage de la TSH qui sera complété en cas d’anomalie par un dosage de la T4 libre et dans des rares cas par un dosage de la T3 libre. Les anticorps anti-récepteurs de la TSH (TRAb) sont utiles en cas d’hyperthyroïdie et indiqueront en cas de positivité une maladie de Basedow.
Une échographie thyroïdienne est indiquée dans le cas de goitre, de nodule palpable ou en cas de d’hyperthyroïdie,13 elle permet de caractériser les nodules thyroïdiens et de les classifier sur un échelle de risque du cancer thyroïdien. Il existe plusieurs classifications échographiques des nodules thyroïdiens dont les deux les plus utilisées sont la classification EU-TIRADS14 et la classification ACR-TIRADS15. Selon la classe et la taille du nodule il y aura une indication ou non à le ponctionner ou le surveiller.
La scintigraphie est réservée aux goitres ou nodules thyroïdiens associés à une hyperthyroïdie franche ou subclinique. Outre la topographie de la captation d’iode (diffuse ou nodulaire, augmentée ou diminuée voire absente) et l’estimation de l’activité de la captation globale de l’iode, la scintigraphie permet de distinguer les nodules hypocaptants (communément appelés nodules froids) qui seront appréciés par l’échographie thyroïdienne pour déterminer la nécessité de les ponctionner ou de les surveiller ou non. La démarche diagnostique est résumée dans l’algorithme (Fig. 1).
Fig. 1: Algorithme: démarche diagnostique devant un goitre thyroïdien
Traitement du goitre thyroïdien
Le traitement du goitre thyroïdien dépend de sa cause. La prévention de goitre endémique dans le contexte de carence en iode passe par des programmes nationaux d’enrichissement diététique en iode et par l’adoption d’un régime suffisant en iode. Le GMN colloïde et euthyroïdien sans symptômes de compression ne nécessite pas forcement de traitement. Des thérapies à visée volumique comme le traitement d’iode radioactif sont parfois employées en cas de gêne esthétique ou fonctionnelle par compression des structures avoisinantes. La curiethérapie réduit le volume de GMN d’environ 40% la première année et de 50 à 60% la deuxième année. Dans les très gros goitres d’un volume supérieur à 100ml, la réduction est d’environ 35%. Toutefois, la réponse individuelle reste difficile à prédire. Le risque d’hypothyroïdie permanente après un traitement parl’iode 131dans le GMN varie de 11 à 58% après un à huit ans de suivi.16,17 L’administration de la thyréostimuline recombinée humaine avant le traitement d’iode radioactif permet de baisser la dose nécessaire de l’iode 131 et d’harmoniser sa captation par le tissu thyroïdien et par conséquent, conduit à une baisse plus significative du volume thyroïdien.18
La chirurgie est tout aussi efficace que l’iode radioactif pour le GMN et le choix entre les deux procédures dépend en grande partie de leur disponibilité, des caractéristiques cliniques et, enfin et surtout, de la préférence personnelle du patient (et aussi du médecin responsable). Les points forts de la chirurgie sont le potentiel de détecter les cancers thyroïdiens et la possibilité de choisir l’étendu de la chirurgie, c’est à dire, une thyroïdectomie totale versus partielle selon la distribution des nodules. Cela permettrait d’éviter dans certains cas une hypothyroïdie postopératoire en cas d’hémi-thyroïdectomie. En revanche, les désavantages de la chirurgie sont le besoin d’anesthésie générale, la cicatrice chirurgicale, le rare risque de léser le nerf récurrent ou les parathyroïdes, d’où l’importance d’avoir un centre chirurgical de compétence avec un volume opératoire correct.
D’autres thérapies sont déployées récemment pour les nodules bénins, comme le traitement par laser, qui implique une anesthésie locale et l’introduction d’une sonde dans le nodule visé sous guidage échographique.19 Finalement, le traitement par HIFU («high intensity focused ultrasound») est une nouvelle thérapie innovante qui consiste à délivrer de façon non invasive une énergie ultrasonique amplifiée et focalisée sur la région d’intérêt (nodule bénin) qui sera détruit par la haute température provoquée par cette énergie.20
Finalement, les goitres de type Basedowien ou multinodulaire toxique peuvent être traités par l’iode radioactif ou par la chirurgie, à savoir que la thérapie médicamenteuse par les antithyroïdiens de synthèse reste la première ligne thérapeutique pour la maladie de Basedow.
Conclusion
Le goitre thyroïdien reste une maladie fréquente. La carence en iode ainsi que les maladies auto-immunes et les nodules (toxiques, non-toxiques ou cancéreux) sont les causes les plus fréquentes de goitre.
La démarche diagnostique face à un goitre thyroïdien comprend l’examen clinique, le bilan biologie et l’imagerie. Le traitement de GMN par l’iode radioactif précédé de la TSH recombinante est assez encourageant, surtout chez les personnes âgées avec des comorbidités importantes, et en cas de refus ou de non-éligibilité à la chirurgie, ainsi que dans les régions endémiques. Le traitement par laser et HIFU sont des nouvelles thérapies promettantes, qui ne doivent être effectuées que par des opérateurs expérimentés et seulement dans le cas des nodules thyroïdiens prouvés bénins. Enfin, la préférence des patients pour une alternative non chirurgicale doit toujours être prise en considération.
Littérature:
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