Nouvelle directive de l’ESC: des valeurs cibles plus strictes pour le traitement de l’hypertension
Compte-rendu:
Reno Barth
Journaliste médical
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Dans le cadre du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC), les directives actualisées sur l’hypertension ont été présentées et publiées parallèlement en ligne dans l’European Heart Journal. Elles contiennent quelques modifications importantes. Outre la pression artérielle «non élevée» et l’hypertension, la catégorie «pression artérielle élevée» a désormais été introduite. Des objectifs plus stricts sont fixés pour le traitement. Pour la plupart des patients traités, le nouvel objectif de pression artérielle systolique se situe entre 120 et 129mmHg.
Keypoints
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L’ESC introduit la nouvelle catégorie «pression artérielle élevée» (pression artérielle systolique 120–139 ou pression artérielle diastolique 70–80mmHg).
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Les recommandations thérapeutiques en cas d’hypertension dépendent du risque cardiovasculaire individuel.
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Le nouvel objectif thérapeutique pour le traitement médicamenteux est une pression artérielle systolique entre 120 et 129mmHg.
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En ce qui concerne le traitement médicamenteux, une bithérapie avec deux classes de substances antihypertensives différentes est recommandé d’emblée.
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Pour la première fois, une recommandation prudente de dénervation rénale en cas d’hypertension résistante au traitement est également incluse.
Compte tenu des nouvelles preuves et des lacunes importantes persistantes dans la prise en charge des patients, il était nécessaire de réviser en profondeur la directive existante sur la prise en charge de l’hypertension, selon la Pre Rhian Touyz de l’Université McGill, l’une des deux présidentes du groupe de travail sur les directives. D’autant plus que l’hypertension est le principal facteur de risque de mortalité et de morbidité (surtout cardiovasculaire) dans le monde. Il était également temps d’examiner les controverses scientifiques existantes sous un nouveau jour. Il y a toujours des questions auxquelles il n’est pas possible de répondre sur la base des preuves de qualité. La directive actualisée sur l’hypertension, présentée dans le cadre du congrès 2024 de l’ESC, a été élaborée sur la base des normes définies par l’Institute of Medicine (IOM) en 2011. Les recommandations sont réparties en 4 classes: I (recommandé ou indiqué), IIa (doit être envisagé), IIb (peut être envisagé), III (non recommandé). Une recommandation de classe II (a ou b) signifie que les données probantes sur cette question ne sont pas homogènes. Les directives de l’ESC ont été examinées par plus de 100 réviseurs externes.
Risque cardiovasculaire déjà élevé en cas de pression artérielle basse
La mise à jour de la directive de l’ESC sur la prise en charge de l’hypertension contient au total 57 nouvelles recommandations et de nombreuses adaptations de recommandations existantes. Ces modifications commencent par le nom du document, qui s’appelle désormais «2024 ESC Guidelines for the Management of Elevated Blood Pressure and Hypertension», l’ESC introduisant ainsi la nouvelle catégorie «pression artérielle élevée» et la traitant séparément de l’hypertension. Une pression artérielle élevée est définie comme une pression artérielle systolique comprise entre 120 et 139mmHg et/ou une pression artérielle diastolique comprise entre 70 et 89mmHg. En revanche, l’hypertension est toujours définie comme une pression artérielle systolique d’au moins 140mmHg ou une pression artérielle diastolique d’au moins 90mmHg (Fig.1).1
Fig. 1: La directive de l’ESC fournit une nouvelle classification simplifiée de la pression artérielle (modifiée selon McEvoy JW et al. 2024)1
Le co-auteur Pr J. William McEvoy, Université de Galway, Irlande, souligne que le risque cardiovasculaire commence à augmenter à partir d’une pression artérielle systolique de 90mmHg, même dans une place ne nécessitant pas de traitement. C’est pourquoi il a été décidé de ne plus parler de pression artérielle «normale», mais uniquement de pression artérielle «non élevée». Des mesures de mode de vie sont également recommandées pour ce groupe de patients afin que la pression artérielle reste à long terme dans une plage non élevée.
La manière de procéder chez les patients dont la pression artérielle systolique se situe entre 120 et 139mmHg et celle diastolique entre 70 et 89mmHg est déterminée par une estimation du risque cardiovasculaire. Le traitement médicamenteux doit être administré aux patients dont le risque à 10 ans est estimé à au moins 10% ou en présence d’une maladie rénale chronique modérée ou sévère, d’une maladie cardiovasculaire établie, d’un diabète ou d’une hypercholestérolémie familiale. Si l’estimation individuelle du risque à l’aide du score de l’ESC SCORE révèle un risque à 10 ans d’au moins 10%, il faut d’abord tenter une intervention sur le mode de vie pendant trois mois et commencer un traitement pharmacologique si la valeur cible n’est pas atteinte. Si le risque est compris entre 5 et 10%, il est recommandé de procéder à une estimation approfondie du risque sur la base de facteurs de risque ne figurant pas dans les tableaux traditionnels, y compris ceux familiaux et liés au sexe. Si le risque est inférieur à 5%, il convient de modifier le mode de vie et de procéder à un nouveau contrôle après un an.
Recommandation: augmentation de l’apport en potassium pour substituer le sel de table
De nouvelles recommandations ont été formulées en matière d’intervention sur le mode de vie, comme l’augmentation de l’apport en potassium par des sels de substitution enrichis en potassium. Il est également recommandé de consommer des fruits et des légumes dans de même but. Les recommandations en matière d’activité physique ont aussi été adaptées. Au lieu d’un minimum de 2,5 heures d’exercice aérobique d’intensité modérée par semaine, il est désormais possible de pratiquer 75 minutes d’exercice aérobique intensif par semaine. Deux à trois fois par semaine, il convient de compléter le programme par un entraînement en résistance dynamique ou isométrique d’intensité faible ou modérée.
Pour la plupart des patients sous traitement antihypertenseur, l’objectif de pression artérielle systolique se situe entre 120 et 129mmHg. Selon J.W.McEvoy, cet objectif a été choisi du fait que la majorité des études comparant un contrôle intensif de la pression artérielle à un contrôle moins intensif ont depuis démontré les avantages du traitement intensif en termes de réduction de l’incidence des événements cardiovasculaires et de la mortalité. Il souligne toutefois que les patients à haut risque cardiovasculaire étaient surreprésentés dans ces études, raison pour laquelle l’indication prudente basée sur les facteurs de risque a été choisie pour le groupe de patients présentant une pression artérielle élevée. La nouvelle directive de l’ESC a rendu obsolète l’approche en deux étapes consistant à traiter d’abord les patients pour atteindre une valeur inférieure à 140/90mmHg et à ne viser une valeur cible inférieure à 130/80mmHg qu’une fois cette valeur atteinte. La condition préalable à une stratégie plus agressive est toutefois la bonne tolérance du traitement. De même, des objectifs moins stricts peuvent être appropriés pour les personnes âgées et/ou fragiles. Une adaptation des objectifs de pression artérielle est également indiquée en cas d’hypotension orthostatique symptomatique. Les directives européennes se rapprochent ainsi des recommandations américaines. Les deux directives recommandent désormais un objectif de pression artérielle inférieur à 130/80mmHg pour la plupart des personnes. Si cet objectif ne peut être atteint avec une tolérance acceptable, la pression artérielle doit être abaissée le plus possible.
Alors que les recommandations mentionnées concernent les valeurs mesurées au cabinet, la nouvelle directive de l’ESC souligne la valeur des mesures à domicile ou sur 24 heures. Entre 40 et 50% des patients souffrant d’hypertension artérielle effectuent aujourd’hui des automesures, selon le Pr Richard McManus, professeur de médecine générale à l’Université d’Oxford. Au cours de la pandémie de Covid-19, les données sur la pression artérielle ont également été davantage échangées en ligne entre les patients et les praticiens, et cela reste une pratique courante. La nouvelle directive de l’ESC donne donc des instructions détaillées pour une automesure correcte. Concernant les mesures à domicile, les valeurs seuils sont en partie légèrement adaptées vers le bas. On parle ainsi d’hypertension lorsque la mesure à domicile révèle une pression artérielle de 135/85mmHg. Des valeurs seuils pour la pression artérielle sur 24 heures sont également indiquées. Les mesures à domicile sont particulièrement recommandées pour le diagnostic de l’hypertension, car elles permettent de détecter une hypertension «blouse blanche» tout comme une hypertension masquée. Il est donc recommandé de procéder à un dépistage au cabinet ou en ambulatoire, suivi d’une mesure à domicile ou sur 24 heures pour confirmer le diagnostic. Une version patient de la directive, axée sur l’automesure, est en cours d’élaboration.
Recours d’emblée à une bithérapie
En ce qui concerne le traitement médicamenteux, la recommandation de niveau I préconise d’emblée une bithérapie à faible dose avec deux substances appartenant à des classes différentes, par exemple les inhibiteurs de l’ECA ou les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine, les inhibiteurs calciques ou les diurétiques. Si cela ne permet pas d’obtenir un contrôle de la pression artérielle après un à trois mois, une trithérapie à faible dose est recommandée. Si cela ne donne pas non plus les résultats escomptés, une trithérapie à dose maximale tolérée est indiquée. Les bêtabloquants ne sont pas indiqués comme traitement de première intention pour réduire la pression artérielle, mais un bêtabloquant peut être prescrit en plus à chacun de ces niveaux si cela est indiqué pour d’autres raisons (p.ex. après un infarctus du myocarde).
Si même une trithérapie à forte dose ne permet pas d’obtenir un contrôle suffisant de la pression artérielle, il convient d’abord de vérifier l’adhésion thérapeutique. S’il existe effectivement une hypertension résistante au traitement, il faut adresser le patient à un centre spécialisé. Le cas échéant, la spironolactone et l’éplérénone entre par exemple en ligne de compte. Les bêtabloquants peuvent également être utilisés dans ce cas.
Si même un traitement médicamenteux à dose maximale n’apporte pas le succès escompté, l’option de la dénervation rénale pour le traitement de l’hypertension a été incluse pour la première fois dans les directives. Elle s’applique aux patients souffrant d’hypertension résistante qui ne peut être contrôlée malgré une trithérapie et doit être effectuée dans des centres ayant un volume d’activité moyen à important. En cas de risque cardiovasculaire très élevé, les patients dont la pression artérielle ne peut pas être contrôlée avec moins de trois médicaments sont également éligibles pour ce traitement. Pour une recommandation de niveau I, il faut non seulement qu’un effet antihypertenseur du traitement antihypertenseur soit documenté, mais aussi qu’une réduction des résultats cardiovasculaires soit constatée. Comme ce n’est pas le cas de la dénervation rénale, elle n’a pas le statut de traitement de première intention. Elle n’est pas non plus recommandée pour les patients souffrant d’insuffisance rénale sévère ou d’hypertension secondaire.
Source:
Congrès de l’ESC, du 30 août au 3 septembre 2024, Londres
Littérature:
1 McEvoy JW et al.; ESC Scientific Document Group: 2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension. Eur Heart J 2024; ehae178
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