Nouvelles données sur les néoplasies lymphatiques
Compte-rendu:
Dre Ine Schmale
Pour les patient·es âgé·es atteint·es de lymphome à cellules du manteau, le schéma BR est un traitement de première ligne bien toléré. L’étude de phaseIII ECHO a montré des résultats prometteurs avec l’ajout d’acalabrutinib. Chez les patient·es atteint·es de lymphome hodgkinien, l’intensité du traitement a pu être adaptée individuellement en réduisant le nombre de cycles. La modification avec le brentuximab védotine (BrECADD) optimise encore le traitement.
MCL: amélioration significative de l’efficacité sous acalabrutinib
Un traitement de première ligne intensif permet d’obtenir des rémissions durables et une survie sans progression (PFS) prolongée chez les patient·es atteint·es de lymphome à cellules du manteau (MCL) ayant un état de santé relativement bon. Les patient·es âgé·es ou dans un état de santé relativement mauvais sont traité·es par la combinaison bendamustine plus rituximab (BR), qui est mieux tolérée. L’étude contrôlée par placebo ECHO a examiné si l’administration d’acalabrutinib jusqu’à la progression de la maladie en plus de 6cycles de BR suivis de 2ans de traitement d’entretien par rituximab pouvait prolonger la PFS (critère d’évaluation primaire).1 598patient·es âgé·es de ≥65ans avec un ECOG PS ≤2 ont été randomisé·es. Le passage du bras contrôle au bras sous acalabrutinib était autorisé après la progression de la maladie. L’âge médian des patient·es était de 71ans, et plus d’un quart avaient 75ans ou plus. Une réponse a été observée chez 91,0% des patient·es dans le bras sous acalabrutinib-BR par rapport à 88,0% dans celui sous placebo-BR. Une réponse complète (CR) a été observée chez 66,6% par rapport à 53,5% des patient·es. L’étude a atteint son critère d’évaluation primaire avec une réduction significative du risque de progression de 27% (HR=0,73; IC à 95%: 0,57–0,94; p=0,0169). La médiane de la PFS était de 66,4mois par rapport à 49,6mois. Sur les 99patient·es du bras sous placebo dont la maladie a progressé, 69% ont reçu un inhibiteur de BTK comme traitement ultérieur. La survie globale (OS) était numériquement plus longue dans le bras sous acalabrutinib, mais n’atteignait pas la signification statistique avec 32–36% d’événements (HR=0,86; IC à 95%: 0,65–1,13; p=0,2743). 88,9% par rapport à 88,2% des patient·es ont présenté des effets secondaires de grade ≥3 liés au traitement. Des effets secondaires fatals ont été observés chez 12,1% des patient·es par rapport à 10,1%. Les effets secondaires liés au traitement étaient aussi fréquents sous acalabrutinib (68,0%) que sous placebo (55,6%). Ils ont conduit à l’interruption du traitement chez 42,8% par rapport à 31,0% des patient·es. La COVID-19 était plus fréquente dans le bras sous acalabrutinib (40,7% par rapport à 29,6%), y compris de grade5 (9,4% par rapport à 6,7%). 10,4% par rapport à 6,4% des patient·es ont interrompu l’acalabrutinib ou le placebo en raison de la COVID-19. Si l’on exclut les décès liés à la COVID-19 des statistiques de PFS, la réduction du risque de progression est portée à 36% (HR=0,64; IC à 95%: 0,48–0,84; p=0,0017). L’écart en termes d’OS s’est également creusé, mais n’a pas atteint le seuil de signification (HR=0,75; IC à 95%: 0,53–1,04; p=0,0797).
Conclusion: La combinaison acalabrutinib-BR entraîne une augmentation prometteuse de l’efficacité avec un risque de sécurité peu élevé. Une tendance à l’allongement de l’OS est visible, bien que plus de 60% des patient·es présentant une progression dans le bras sous placebo aient reçu un inhibiteur de BTK comme traitement ultérieur.
DLBCL: la consolidation avec un inhibiteur de points de contrôle est une stratégie prometteuse
Environ un quart des patient·es atteint·es de lymphome diffus à grandes cellulesB (DLBCL) à haut risque récidivent après une rémission complète sous R-CHOP. Le traitement d’entretien par lénalidomide a prolongé la PFS, mais pas l’OS. La PD-L1 est exprimée dans environ 30% des cas de DLBCL. Même si l’efficacité des inhibiteurs de points de contrôle ciblant la PD-1 était modérée dans la maladie récidivante et réfractaire, l’immunothérapie par points de contrôle pourrait être efficace en tant que traitement de consolidation après une greffe de cellules souches.
L’étude HOVON-151 s’est donc penchée sur la question de savoir si le traitement de consolidation par atézolizumab sur une période d’un an pouvait prolonger la survie sans maladie (DFS) des personnes concernées sur 2ans.2 Cette étude de phaseII académique, multicentrique a inclus 109patient·es atteint·es de DLBCL avec un score IPI ≥3 qui présentaient une réponse métabolique complète après 6 à 8cycles de R-CHOP. 65,1% des patient·es ont reçu 18cycles d’atézolizumab, conformément au protocole. 17,3% des patient·es ont interrompu le traitement en raison d’effets secondaires, 11,9% ont connu une récidive ou sont décédé·es, et le souhait de la personne concernée a été cité comme motif d’interruption du traitement pour 5,5%. Avec une durée de suivi médiane de 36,4mois, le taux de DFS à 2ans était de 87,9% (IC à 90%: 81,5–92,1). L’étude a été définie comme positive, car le taux prédéfini de ≥86% a été dépassé. Le taux d’OS à 2ans était de 96,3% (IC à 90%: 91,7–98,3). L’évaluation des patient·es présentant une récidive de la maladie a montré que 10lymphomes sur 13 étaient chimiosensibles, de sorte qu’une rémission complète a été obtenue sous chimiothérapie ultérieure. Le temps médian jusqu’à la récidive sous ou après le traitement de consolidation par azétolizumab était de 9,2mois. L’effet secondaire le plus fréquent était des infections, dont près de la moitié étaient dues à la COVID-19.
Conclusion: Le traitement de consolidation par un inhibiteur de points de contrôle est une stratégie potentielle pour les patient·es atteint·es de DLBCL.
CLL: données à 7ans sur l’obinutuzumab, l’ibrutinib et le vénétoclax
L’administration fixe d’obinutuzumab, d’ibrutinib et de vénétoclax a été évaluée dans une étude de phaseII sur la leucémie lymphoïde chronique (CLL)/le lymphome à petites cellules (SLL) non traités et récidivants.3 75patient·es atteint·es de CLL ou de SLL ont été inclus·es dans trois cohortes pour un traitement par obinutuzumab, ibrutinib et vénétoclax. La cohorte1 comprenait les patient·es atteint·es d’une maladie récidivante ou réfractaire (RR), les cohortes2 et 3 incluaient les patient·es naïf·ves de traitement (TN) recruté·es jusqu’en 2016 (TN1) et 2019 (TN2). La durée de suivi médiane était respectivement de 83 et 86mois pour les cohortes1 (RR) et2 (TN1), et de 52mois pour la cohorte3 (TN2). L’âge médian des patient·es était de 58ans, 75% n’avaient aucune mutation des IGHV et 36% présentaient un caryotype complexe.
À la fin du traitement, 88% (RR) et 90% (TN) des patient·es ont obtenu une réponse (ORR), 55% et 58% ont atteint le statut de maladie résiduelle minimale indétectable (uMRD). La PFS médiane était de 81,8mois pour la cohorte RR, de 88,5mois pour la cohorte TN1 et n’avait pas encore été atteinte pour la cohorte TN2. Le taux d’OS était de 95,0% (RR) et 90,9% (TN1) à 60mois, et de 91,8% (TN2) à 48mois. Aucune différence de PFS n’a pu être identifiée en fonction du statut MRD. Un risque plus élevé de progression de la maladie ou de décès a été observé pour un plus grand nombre de traitements antérieurs et un taux élevé de bêta-2-microglobuline (B2M), mais seule la B2M constitue un facteur pronostique significatif selon l’analyse multivariée. Une probabilité plus faible d’atteindre le statut uMRD a été observée chez les patient·es présentant un taux élevé de B2M et de LDH, mais seul le taux de LDH est resté significatif dans l’analyse multivariée.
Conclusion: La combinaison obinutuzumab, ibrutinib et vénétoclax a permis d’obtenir des rémissions durables dans les cas de CLL/SLL récidivants et réfractaires, ainsi que chez les patient·es atteint·es de CLLC/SLL TN. Le statut uMRD n’était pas associé à la PFS dans cette étude de phaseII.
Lymphome hodgkinien: le schéma BrECADD est plus sûr et plus efficace qu’eBEACOPP
Afin de réduire la toxicité du schéma eBEACOPP, diverses modifications ont été apportées dans l’étude GHSGHD21.4 Le brentuximab védotine a été ajouté et la bléomycine ainsi que la vincristine ont été supprimées. La procarbazine a été remplacée par la dacarbazine et la prednisone par la dexaméthasone. Le «backbone» a été préservé avec de la doxorubicine, du cyclophosphamide et de l’étoposide (BrECADD). Le schéma BrECADD a été testé dans l’étude de phaseIII randomisée, en ouvert HD21 en comparaison directe avec le schéma eBEACOPP chez des patient·es âgé·es de moins de 60ans atteint·es de lymphome hodgkinien. L’étude a été conçue pour démontrer une meilleure tolérance et une non-infériorité en termes d’efficacité. Après 2cycles de BrECADD ou d’eBEACOPP, une TEP-TDM a été réalisée, 2 ou 4cycles supplémentaires ont été administrés en fonction du statut, puis une nouvelle TEP-TDM a été réalisée pour contrôler. L’âge médian des patient·es était de 31ans, et 67 à 68% présentaient des symptômesB.
Le critère d’évaluation primaire «effets secondaire aigus et sévères liés au traitement» (TRMB) a été atteint dans tous les sous-groupes. 42% des patient·es sous BrECADD par rapport à 59% sous eBEACOPP étaient concerné·es (RR=0,72; IC à 95%: 0,65–0,79; p<0,0001). Chez 99% des patient·es sous BrECADD, les effets secondaires liés au traitement ont disparu. Davantage de patient·es ont pu recevoir des cycles de doxorubicine, cyclophosphamide et étoposide à dose complète. Les inhibiteurs de la tubuline (VCR ou BV) ont été arrêtés plus fréquemment dans le bras eBEACOPP. Une infériorité concernant la PFS, le deuxième critère d’évaluation primaire, a été atteinte et une efficacité supérieure a même pu être démontrée dans le bras BrECADD. Après 4ans, 94,3% des patient·es du bras BrECADD étaient en vie par rapport à 90,9% dans le bras eBEACOPP (HR=0,66; IC à 95%: 0,45–0,97; p=0,035). L’avantage en termes de PFS a été confirmé pour tous les sous-groupes pertinents.
Conclusion: Le traitement personnalisé guidé par TEP selon le schéma BrECADD est une option thérapeutique standard pour les patient·es atteint·es de lymphome hodgkinien classique avancé.
Source:
EHA2024 Hybrid Congress, du 13 au 16 juin, Madrid, Espagne, et en ligne
Littérature:
1 Wang M et al.: Acalabrutinib plus bendamustine and rituximab in untreated mantle cell lymphoma: results from the phase 3, double-blind, placebo-controlled ECHO trial. EHA 2024; Abstr. #LB3439 2 Nijland M et al.: Feasability and clinical efficacy of atezolizumab consolidation in high risk diffuse large B-cell lymphoma: final analysis of the HOVON 151. EHA 2024; Abstr. #S236 3 Rogers K et al.: 7-year update on a phase 2 trial of fixed-duration obinutuzumab, ibrutinib, and venetoclax for CLL. EHA 2024; Abstr. #S162 4 Borchmann P et al.: The randomized study GHSG HG21 shows superior tolerability and efficacy of BRECADD versus BEACOPP in advanced stage classical Hodgkin lymphoma. EHA 2024; Abstr. #S225
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