Maladie de Lyme et méningo-encéphaliteà tiques (FSME)
Selon les informations de l’OFSP, rien qu’en Suisse, environ 9000 personnes ont consulté un médecin en juin à cause d’une piqûre de tique, soit un peu plus qu’au cours du même mois de l’année 2018, qui détenait jusqu’à présent le record. Le Prof. Dr méd. Martin Krause, médecin-chef en médecine interne à l’Hôpital cantonal de Münsterlingen, a expliqué lors de l’Update Refresher Médecine interne générale comment la maladie de Lyme se diagnostique et se traite et qui bénéficie le plus d’une vaccination contre la FSME.
La borréliose de Lyme est transmise par des tiques qui sont infectées par la bactérie Borrelia burgdorferi. En Suisse, trois sous-types entrent en ligne de compte: Borrelia burgdorferi afzelii, garinii et sensu stricto. Aux États-Unis, seule la Borrelia burgdorferi sensu stricto est pertinente. «Les Américains connaissent donc une présentation de la maladie de Lyme légèrement différente de la nôtre», a expliqué M. Krause. En Suisse, une infection à Borrelia se manifeste principalement au niveau de la peau et du système nerveux.
Les borrélies sont présentes, en Suisse, partout où il y a des tiques: à l’exception des hautes altitudes en montagne, c’est-à-dire dans tout le pays. Toutefois, le nombre de tiques infectées varie fortement d’une région à l’autre: dans la ville de Constance, à la frontière entre l’Allemagne et la Suisse, par exemple, 80% des tiques sont infectées; en moyenne, une tique sur trois en Suisse est porteuse de borrélies.
Un premier signe (non obligatoire): l’érythème migrant
Pour que les borrélies puissent se déposer sous la peau, la tique doit sucer du sang pendant au moins 12 heures. En cas d’infection, dans la plupart des cas, un érythème migrant se forme localement. «Le diagnostic est uniquement clinique», a souligné M. Krause. Au cours de cette phase initiale, les borrélies se propagent dans tout l’organisme, ce qui entraîne une bactériémie. «Le patient peut parfois percevoir cette dissémination précoce comme une ‹grippe› estivale», a déclaré l’intervenant.
L’érythème migrant se développe au plus tôt trois jours après une piqûre de tique, parfois deux à trois semaines plus tard. L’érythème migrant constitue une preuve de la maladie, mais n’est pas un signe obligatoire de la maladie de Lyme; dans 5 à 10% des cas il peut faire défaut. «L’érythème migrant ne se présente pas toujours de manière classique avec des bord marqués. Parfois, le centre est également marqué», a expliqué M. Krause (Fig.1). Pour le diagnostic, il est utile que la piqûre de tique soit encore visible au centre. Si ce n’est pas le cas, d’autres caractéristiques sont utiles. Ainsi, par définition, un érythème migrant doit mesurer au moins 5cm et s’étendre de façon centrifuge au fil du temps. Le nom d’«érythème migrant» est dérivé de cette extension vers l’extérieur. «Parfois, cependant, un érythème migrant peut aussi se présenter de manière tout à fait atypique, par exemple avec des cocardes, une rougeur très forte ou avec des cloques», a expliqué M. Krause. Chez l’enfant, on trouve en outre une forme particulière de lymphocytome: une structure rougeâtre et noueuse sur le lobe de l’oreille. En effet, les enfants sont souvent piqués à la tête par des tiques en raison de leur petite taille.
Au cours de la phase précoce de l’infection, la sérologie n’est généralement d’aucune utilité puisque la production d’anticorps ne commence que lorsque l’érythème migrant s’est déjà formé. «Cependant, non seulement notre système immunitaire réagit très lentement à une infection à Borrelia, mais la disparition des anticorps est aussi extrêmement lente. Les anticorps IgG et IgM sont parfois encore détectables des années après la piqûre par une tique infectée», a expliqué l’expert.
Keypoints
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En Suisse, trois sous-types de la bactérie Borrelia burgdorferi jouent un rôle dans la maladie de Lyme.
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La tique doit sucer du sang pendant au moins 12 heures pour que les borrélies puissent se déposer sous la peau. Un retrait rapide de la tique peut donc prévenir une infection à Borrelia.
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L’érythème migrant survient au plus tôt trois jours après une piqûre de tique, constitue une preuve de la maladie, mais n’est pas obligatoire.
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Dans la phase de dissémination précoce de l’infection, une neuroborréliose (syndrome de Bannwarth) peut se produire.
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Dans le cadre de la neuroborréliose – contrairement à l’érythème migrant – des anticorps sont généralement déjà présents dans le sérum et dans le liquide cérébro-rachidien.
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L’arthrite de Lyme est une manifestation tardive de l’infection à Borrelia.
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Une infection à Borrelia se traite avec de la doxycycline ou, alternativement, de l’amoxicilline.
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Les virus de la FSME sont transmis immédiatement lors de la piqûre de tique, contrairement aux borrélies.
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On ne dispose d’aucun traitement spécifique de la FSME, mais il existe un vaccin.
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L’OFSP recommande la vaccination dans toute la Suisse.
Doxycycline ou, alternativement, amoxicilline
Si l’on décide de rechercher des borrélies sur la base d’une présentation clinique déterminée, on commence par un test de dépistage (ELISA) avec un mélange d’antigènes. Si des borrélies sont présentes, le résultat est toujours positif. «Si, en revanche, le test est négatif, nous pouvons supposer qu’il n’y a pas ou pas encore d’infection à Borrelia», selon l’expert. Étant donné que le test présente une bonne sensibilité mais une mauvaise spécificité, il donne parfois des résultats faussement positifs. «Un ELISA positif doit donc également être vérifié à l’aide d’un western blot», a-t-il souligné. En aucun cas un western blot ne doit être effectué avant ou en même temps qu’un ELISA. De même, il ne faut jamais pratiquer de test d’antigène urinaire, de test de transformation lymphocytaire ou de culture.
Fig. 1: L’érythème migrant se présente classiquement avec des bord marqués (A), mais le centre peut également être marqué (B) et des formes atypiques avec des cocardes, une rougeur très forte ou des cloques sont également possibles. Par définition, l’érythème migrant mesure au moins 5cm et s’étend de façon centrifuge
L’antibiothérapie standard en cas de survenance d’un érythème migrant consiste en l’administration de doxycycline (2x100mg/j p.o. ou 1x200mg/j p.o.) pendant dix jours. Un traitement à l’amoxicilline (3x500mg/j p.o.) pendant 14 jours est également possible.
Ne pas se contenter de chercher un érythème migrant
Durant la phase précoce de dissémination de l’infection, une maladie de Lyme non traitée peut entraîner une méningoradiculite lymphocytaire (syndrome de Bannwarth) avec un syndrome de douleur radiculaire, une parésie des extrémités et des troubles des nerfs crâniens (le plus souvent une parésie faciale, Fig. 2) ou une méningite lymphocytaire. «Dans cette situation, des anticorps peuvent généralement être détectés dans le sérum et le liquide céphalo-rachidien», a souligné M. Krause. Au cours de la phase précoce de la neuroborréliose, les anticorps sériques ont une sensibilité de 75% et une spécificité de 80% et les anticorps intrathécaux ont une sensibilité de 85% et une spécificité de 90%. La PCR est en revanche peu sensible (25%; spécificité 95%).
Un nouveau biomarqueur prometteur est la chimiokine CXCL13, qui peut être détectée, en cas de neuroborréliose aiguë, à des concentrations élevées dans le liquide céphalo-rachidien avant qu’une élévation des anticorps ne soit observée. Le niveau de CXCL13 baisse rapidement après un traitement couronné de succès. Cependant, CXCL13 n’est pas spécifique à la neuroborréliose, elle est également détectable dans le cadre d’autres événements inflammatoires du SNC.
En cas de parésie faciale, le traitement consiste, comme pour l’érythème migrant, dans de la doxycycline (2x100mg/j p.o.) ou de l’amoxicilline (3x500mg/j p.o.), mais le traitement est plus long et dure trois semaines. Dans les formes plus sévères de neuroborréliose aiguë, il est recommandé d’administrer de la ceftriaxone (1x2g/j i.v.) pendant 28 jours.
L’arthrite de Lyme affecte (presque) toujours le genou
Une manifestation tardive de l’infection à Borrelia est l’arthrite de Lyme, qui affecte (presque) toujours le genou. «Le genou est enflé, mais ne cause généralement pas trop de douleurs et n’est généralement pas très rouge. Cependant, l’infestation du genou entraîne souvent une restriction permanente, qui amène finalement les patients – souvent seulement après des semaines ou des mois – à consulter un médecin», a expliqué l’intervenant. En outre, l’arthrite de Lyme ne se manifeste généralement jamais à plus de cinq endroits, affectant principalement les grosses articulations et très rarement l’articulation temporo-mandibulaire. Le squelette axial et les poignets ne sont jamais touchés. Dans l’arthrite de Lyme, des anticorps IgG sont toujours attestables dans le sérum. «Si le tableau clinique correspond à une arthrite à Borrelia, une articulation enflée peut également être ponctionnée et une PCR effectuée, a expliqué M. Krause. La sensibilité de 65% n’est pas aussi élevée qu’on le souhaiterait. Cependant, si la PCR est positive, la probabilité qu’il s’agisse effectivement d’une arthrite de Lyme est très élevée.»
Fig. 2: Dans le cadre de l’infection disséminée précoce, une parésie faciale peut survenir. En l’absence d’érythème migrant, des symptômes neurologiques tels que la parésie faciale peuvent être la première manifestation de la maladie de Lyme
L’arthrite de Lyme peut également être traitée par voie orale. La doxycycline (2x 100mg/j) ou l’amoxicilline (3x 100mg/j) sont prescrites pendant 28 à 30 jours. L’amélioration est généralement très lente et chez certains patients, les symptômes peuvent persister malgré ce traitement. S’il n’y a pas d’amélioration après un mois de traitement, un autre traitement peut être administré par voie orale pendant 28 jours. «Dans ce cas, il est préférable d’utiliser un autre antibiotique ou de passer à un traitement intraveineux avec 3g de ceftriaxone par jour pendant 28 jours», a déclaré M. Krause. Si les symptômes persistent même après le deuxième cycle d’antibiotiques, d’autres options de traitement comprennent le méthotrexate, l’hydroxychloroquine ou une synovectomie. La cortisone ne doit pas être administrée dans cette situation.
Une autre manifestation tardive, mais très rare, d’une infection à Borrelia est l’acrodermatite atrophique. Elle est causée par le sous-type Borrelia burgdorferi afzelii. «Il se produit d’abord un gonflement des mains ou des pieds, puis une atrophie du tissu sous-cutané, de sorte que les veines sont très visibles sous la peau», a déclaré l’expert. L’acrodermatite atrophique se traite de la même manière que l’arthrite de Lyme.
FSME – les personnes âgées sont particulièrement à risque
Une maladie infectieuse grave causée par une piqûre de tique est la méningo-encéphalite à tiques (FSME). «L’agent pathogène est un flavivirus qui est présent dans la salive de la tique. Contrairement aux borrélies, les virus de la FSME sont transmis dès la piqûre», a souligné M. Krause. Par conséquent, même le retrait immédiat d’une tique ne peut empêcher la transmission des virus à ARN.
À l’exception des cantons de Genève et du Tessin, on trouve des tiques infectées par la FSME dans toute la Suisse. Toutefois, l’infestation des tiques par le virus de la FSME est, en Suisse, nettement inférieure à celle des borrélies. «Seule une tique sur dix à une tique sur cent est porteuse du virus», a déclaré M. Krause. Il n’existe pas de traitement spécifique de la FSME, mais on dispose, avec la vaccination, d’une prévention efficace.
Dans 50 à 60% des cas, l’infection évolue en deux phases: il se produit d’abord une virémie, que les patients perçoivent comme une grippe estivale et dont ils se remettent temporairement. Au bout de quelques jours, ils tombent malades et présentent une très forte fièvre, ayant développé une méningite, une encéphalite ou une méningo-encéphalite. Les personnes âgées sont particulièrement menacées. «Elles devraient donc être vaccinées si elles sont souvent à l’extérieur», a recommandé M. Krause.
Vaccination contre la FSME
Deux vaccins contre la FSME (FSME immun® et Encepur N®) sont disponibles sur le marché en Suisse pour l’immunisation prophylactique. Pour une immunisation de base complète, trois vaccinations au total sont nécessaires avec les deux préparations. Selon l’OFSP, la vaccination de rappel doit être effectuée au bout de dix ans. Cependant, la recommandation n’est pas en accord avec celle des fabricants.
Pour une efficacité optimale, il est recommandé de se faire vacciner pendant la saison hivernale. Cela signifie que la protection est en place dès le début du printemps et pendant toute la saison chaude (d’avril à octobre), lorsque les tiques sont les plus actives. Toutefois, la vaccination est possible tout au long de l’année.
En raison de la mobilité marquée de la population, l’OFSP recommande la vaccination de protection dans toute la Suisse. Dans le Tessin et dans le canton de Genève, les caisses maladie ne sont toutefois pas obligées de couvrir les frais de vaccination. La recommandation vaccinale s’adresse aux adultes et aux enfants à partir de 6 ans qui vont dans des zones exposées aux tiques, comme les zones riches en herbes, à la lisière des forêts, les clairières, les haies ou les prairies.
La demande de vaccination préventive a tellement augmenté ces dernières années qu’il y a déjà eu une pénurie temporaire de vaccins.
«Il y a aussi des vaccinations qui échouent», a expliqué M. Krause. Dans une étude portant sur 1004 personnes vaccinées contre la FSME, un groupe de recherche suédois a recensé 53 échecs de vaccination en dix ans. 80% des personnes chez qui la vaccination a échoué avaient plus de 50 ans (62 ans en moyenne) et 50% étaient en outre immunodéprimées ou polymorbides.
Enfin, l’intervenant a mentionné un nouveau médicament qui, jusqu’à présent, n’est autorisé qu’en Russie. La triazavirine a été initialement développée contre les virus de la grippe et testée par l’Université d’État de l’Oural sur 73 patients atteints de FSME. «Le médicament ferait baisser la fièvre plus rapidement et les symptômes disparaîtraient plus vite», a déclaré l’expert. En Russie, il est désormais également recommandé à titre de prévention pour les personnes qui passent beaucoup de temps en forêt.
Compte-rendu: Claudia Benetti
Journaliste médicale
Source:
FomF – Update Refresher Médécine interne générale,
13–16 mai 2020, Zurich (Livestream)
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