La découverte du traitement par glucocorticoïdes …
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12.03.2020
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<p class="article-intro">Comme chaque année, les endocrinologues et diabétologues suisses se sont réunis pendant deux jours à Berne en novembre 2019. L’assemblée annuelle, dont le programme fourmillait de sujets passionnants, a été ouverte par le Prof. Dr méd William F. Young, de la Mayo Clinic à Rochester, Minnesota (États-Unis), lequel a fait une présentation fort intéressante sur la découverte passionnante du traitement par glucocorticoïdes, dans lequel la Mayo Clinic tient une place essentielle.</p>
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<p class="article-content"><h2>… passe par la thyroxine …</h2> <p>L’histoire de la découverte du traitement par glucocorticoïdes débute avec le biochimiste américain, plus tard lauréat du prix Nobel Edward Calvin Kendall (1886– 1972), qui parvient, au début des années 1910, à isoler le principe actif de la glande thyroïde au laboratoire qu’il a constitué au St. Luke’s Hospital de New York, et à démontrer son effet chez les patients atteints d’hypothyroïdie. Cependant, étant donné que ses succès en matière de recherche ne sont pas suffisamment honorés par la direction de la clinique – on lui envoyait ainsi des céréales pour le petit déjeuner qu’on lui demandait d’analyser – il ne tarde pas à quitter le St. Luke’s Hospital. Mais au Rockefeller Institute, où il présente sa découverte, il se heurte également au désintérêt.<br /> Heureusement, il apprend que les frères Mayo s’intéressent à la glande thyroïde, et c’est ainsi qu’il décroche un poste à la Mayo Clinic de Rochester. À Noël 1914, Kendall y réussit à isoler pour la première fois de la thyroxine cristalline pure, jetant ainsi les bases d’une carrière de «chasseur d’hormones », comme Kendall se désigne luimême. Comme il le dit lui-même, il a un grand objectif en tête: «Je veux faire pousser un grand chêne; quelques buissons de mûriers ne m’intéressent pas.»<sup>1</sup> Pour empêcher les entreprises de profiter de son succès en matière de recherche et pour s’assurer que celle-ci ne profitera qu’à la recherche médicale et aux patients, il vend, en 1918, le brevet et les droits sur la thyroxine à l’Université du Minnesota au prix de 1 dollar.</p> <h2>… et l’adrénaline …</h2> <p>En 1930, Leonard Rowntree, chercheur clinicien à la Mayo Clinic, demande à Kendall de produire un extrait surrénalien de meilleure qualité pour le traitement des patients atteints de la maladie d’Addison. À l’époque, le traitement consiste dans ce qu’on appelle une thérapie Muirhead, qui implique l’administration d’épinéphrine trois fois par jour sous forme d’injections sous-cutanées et de suppositoires ainsi que l’ingestion d’une glande surrénale bovine entière crue à chaque repas.<sup>2</sup> En 1929, Rowntree a reçu de J. J. Pfiffner, de Princeton, un extrait d’adrénaline bovine mis au point en collaboration avec W. W. Swingle, pour le tester sur des humains.<sup>3</sup> Bien que l’extrait de Swingle-Pfiffner ait l’effet désiré, de graves réactions limitantes au point d’injection se produisent également. «Et c’est là qu’intervient Kendall, qui se fait un plaisir de développer un extrait d’adrénaline mieux toléré – toujours en gardant à l’esprit le grand chêne», explique F. Young. Et Kendall réussit.<br /> Étant donné qu’au cours des années suivantes, le prix des glandes surrénales bovines passe de 40 cents le kilogramme à 6 dollars le kilogramme, en 1934, Kendall conclut un accord avec deux sociétés: Parke Davis Co. lui fournit 300 kg de glandes surrénales bovines par semaine et il en extrait gratuitement l’«adrénaline» pour la société – tout en utilisant le cortex surrénal pour ses propres expériences. L’accord avec Wilson Labs est, quant à lui, le suivant: de l’extrait de cortex surrénal contre 150 kg de glandes surrénales bovines par semaine – il utilise la moelle surrénale ainsi obtenue pour augmenter la production d’adrénaline pour Parke Davis. Ainsi, entre 1934 et 1949, la quasi-totalité de l’adrénaline utilisée en Amérique du Nord est produite au laboratoire de la Mayo Clinic, où le travail se fait en trois équipes en rotation sur 24 heures.</p> <h2>… au «Compound E»</h2> <p>En 1934, Kendall découvre que le cortex surrénal ne produit pas qu’une seule hormone, et isole par la suite cinq composés cristallins qu’il désigne, en continu, par les lettres A à E. Le «Compound E», qui sera plus tard appelé cortisone, s’avère biologiquement actif (Fig. 1).</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2020_Leading Opinions_Innere (FR)_2001_Weblinks_lo_innere_fr_2001_s6_fig1_medecine_kong_sged_entdeckung_glukokortikoidtherapie.jpg" alt="" width="250" height="235" /><br /> En 1941, des rumeurs circulent, lors de la «Conference on Adrenal Hormones» organisée à l’Université de Yale, selon lesquelles les Allemands ont précédé tous les autres chercheurs dans la course au décryptage du secret du cortex surrénal. Ils auraient produit un extrait d’adrénaline efficace contre l’hypoxie afin que leurs pilotes puissent voler sans problème à une altitude de 40 000 pieds. «Rétrospectivement, ces rumeurs se sont avérées infondées, mais en 1941, le US National Research Council définit la synthèse de l’hormone active du cortex surrénal comme le but ultime des efforts de guerre – avant la production de pénicilline et le développement de médicaments antipaludiques synthétiques », explique F. Young.<br /> Après la guerre, il ne reste plus de l’«Adrenocortical Commitee» que la Mayo Clinic et Merck & Co. Jusqu’au printemps 1948, 9000 mg de «Compound E» sont synthétisés pour des essais cliniques. Trois chercheurs de la Mayo Clinic reçoivent chacun 2000 mg aux fins d’études sur des patients atteints de maladie d’Addison et 3000 mg sont conservés pour des études ultérieures. À l’automne 1948, Philip S. Hench, chef du service de rhumatologie de la Mayo Clinic, demande à Kendall le «Compound E» pour une patiente souffrant de polyarthrite rhumatoïde (PR) réfractaire aux traitements et sévère. S. Hench est convaincu que la PR est causée par une carence en «substance X»,<sup>4, 5</sup> et il pose l’hypothèse que le «Compound E» pourrait être cette étrange substance X. Après avoir consenti à l’expérience, H. G., patiente atteinte de PR alitée alors âgée de 28 ans, reçoit pour la première fois, le 21 septembre 1948, 100 mg de «Compound E». Comme le montre le dossier médical, la patiente se sent déjà beaucoup mieux le troisième jour, a nettement moins de douleurs musculaires, plus d’appétit et parvient à se retourner seule dans son lit. Le quatrième jour, elle réussit à lever les bras au-dessus de la tête et même à remarcher, les troubles articulaires se sont améliorés de 50 % selon l’évaluation. Le neuvième jour, le médecin traitant note: «La patiente a pris 100 mg pendant 8 jours et 50 mg aujourd’hui, est allée en ville pendant trois heures, l’après-midi, pour faire des courses, s’est sentie fatiguée par la suite, mais les articulations fonctionnaient bien.» Ensuite, d’autres patients atteints de PR volontaires sont traités, et leur état s’améliore également considérablement en quelques jours. Hench, Kendall et Merck & Co. se rendent compte qu’ils assistent à une révolution médicale, mais veulent encore vérifier les résultats avant la publication. Lorsque le 20 avril 1949, lors d’un événement non public à la Mayo Clinic, les résultats étonnants de 14 patients atteints de PR traités par «Compound E» sont présentés, un journaliste du New York Times, qui est parvenu à se faufiler dans la salle sans se faire remarquer, est également présent.<sup>6</sup> Et c’est ainsi que les résultats obtenus avec le «Compound E» contre la PR sont publiés pour la première fois le lendemain en première page du New York Times sous le titre «Aid in Rheumatoid Arthritis is promised by New Hormone».<sup>7</sup> À l’occasion de la présentation des résultats au Congrès international de rhumatologie en juin 1949, le nom de cortisone est utilisé pour la première fois pour le «Compound E».</p> <p>En octobre 1950 – 25 mois après que H. G. a été la première patiente atteinte de PR à recevoir de la cortisone – Hench, Kendall et Tadeus Reichstein, professeur de chimie pharmaceutique à l’Université de Bâle, qui a travaillé sur l’isolement des hormones du cortex surrénal en même temps que Kendall et en partie avec lui, sont honorés pour leur découverte par le prix Nobel de physiologie et de médecine.</p> <h2>La cortisone – une épée à double tranchant</h2> <p>Cependant, l’histoire de la découverte du traitement par glucocorticoïdes ne serait pas complète sans la suite de l’histoire de la patiente H. G. Après une réapparition de symptômes sous traitement avec 25 mg/j jusqu’au jour 20, la dose est à nouveau augmentée à 50 mg/j. Le jour 54, le médecin traitant constate que la patiente a très soif, qu’elle a pris 2,5 livres en trois jours et que son visage est plus «plein». Jours 66 à 178: bien que les symptômes de la PR aient de nouveau diminué de manière significative, la patiente se sent très mal et sans énergie; elle est à nouveau alitée, ce à quoi viennent s’ajouter de l’acné, de l’aménorrhée et de l’ostéoporose, si bien qu’elle a dit à son médecin: «Je préfère l’arthrite à ce que j’ai maintenant – je pleure, suis nerveuse, ne parviens pas me concentrer, suis déprimée, ne me suis jamais sentie si absente. Je me sens de plus en plus faible chaque jour ...»</p> <p>Kendall se rend compte que la cortisone et ses dérivés sont des épées à double tranchant qui, lorsqu’ils sont administrés à fortes doses et sur une période prolongée, entraînent le syndrome de Cushing iatrogène, et que la polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies inflammatoires ne peuvent être guéries par la cortisone. «Et donc, après avoir pris sa retraite en 1951, il entreprend de trouver ce que nous appellerions aujourd’hui un modulateur sélectif des récepteurs des glucocorticoïdes susceptible de permettre d’isoler l’effet anti-inflammatoire des effets cataboliques», a indiqué F. Young.<br /> Kendall a écrit dans ses mémoires, au sujet de l’élan vital à l’origine de la recherche médicale: «Mais il y deux composantes de l’élan qui peuvent être comprises et sont appréciées par quasiment tout le monde. Il s’agit d’un amour de tout ce qui est vrai et d’un désir de créer quelque chose. Le scientifique espère découvrir un petit supplément à la vérité accumulée au fil des âges et créer des procédures qui rendent cette révélation accessible à tous. Ces espoirs constituent un puissant élan qui est une source inépuisable de force.»<sup>1</sup></p></p>
<p class="article-quelle">Quelle: Assemblée annuelle de la Société suisse d’endocrinologie
et de diabétologie, 14 et 15 novembre 2019, Berne
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<p class="article-footer">
<a class="literatur" data-toggle="collapse" href="#collapseLiteratur" aria-expanded="false" aria-controls="collapseLiteratur" >Literatur</a>
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<p><strong>1</strong> Kendall EC: Cortisone. Charles Scriber’s Sons, New York, 1971 <strong>2</strong> Studies in Addison’s disease: The Muirhead treatment. Can Med Assoc J 1925; 15: 410-1 <strong>3</strong> Swingle WW, Pfiffner JJ: The revival of comatose adrenalectomized cats with an extract of suprarenal cortex. Science 1930; 72: 75-6 <strong>4</strong> Hench PS: Effect of jaundice on rheumatoid arthritis. Br Med J 1938; 2: 394-8 <strong>5</strong> Hench PS: A reminiscence of certain events before, during and after the discovery of cortisone. Minn Med 1953; 36: 705-10 <strong>6</strong> Warner ME: Witness to a miracle: the initial cortisone trial: an interview with Richard Freyberg MD. Mayo Clin Proc 2001; 76: 529- 32 <strong>7</strong> Laurence WL: Aid in rheumatoid arthritis is promised by new hormone. The New York Times, April 21, 1949</p>
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